vendredi 26 juillet 2013

Edgeoeya.

Position : Russebukta 77°36 N - 21°01 E
Samedi, le vent d'Est est bien au rendez vous et nous permet d'atteindre le Freemansundet après une soixantaine de milles houleux mais rapides. Par chance, le courant nous est favorable dès l'entrée du détroit et c'est à  11 nœuds que nous arrivons au mouillage de Sundbukta sur l'île de Barentsoeya pour le dîner! Île nommée ainsi en l'honneur de William Barentz, explorateur hollandais qui a découvert le Spitzberg ("montagnes pointues") en 1596 bord de la Discovery. Son navire était chargé de marchandises à  négocier avec la Chine, et il était à la recherche du passage du Nord-Est. Il s'est ensuite fait prendre par les glaces et l'expédition fut le premier hivernage réussi par des européens en Arctique.
Après une nuit paisible, nous sommes réveillés par un fort clapot de Sud-Ouest. Le vent prévu pour le soir est en avance et un peu plus fort et nous oblige appareiller. Nous nous abritons sous le vent de la petite île de Thomas Smithoeyane où la météo nous oblige à une escale de 48 heures.
Mardi, après une ballade insolite sur ce petit tas de cailloux perdu au milieu du Storfjorden, nous hissons les voiles pour Stretehamna sur l'île d'Edgeoeya. La houle de Sud-Ouest résiduelle rend le mouillage peu confortable, et mercredi matin nous sommes heureux de gagner le rivage. Nous sommes accueillis par une forte odeur et découvrons vite les coupables : une colonie de morses endormis au soleil! C'està   peine s'ils lèvent un œil à  notre approche, nous permettant de faire de belles photos. Un quart d'heure plus tard, c'est au tour d'un magnifique renne arctique peu farouche d'offrir ses bois à  l'objectif. Nous partons ensuite randonner sur les hauteurs en longeant la crête jusqu'au Kapp Lee. De là-haut, on peut voir l'Ouest la côte du Spitzberg, au Nord l'île de Barentsoeya, et l'Est l'étendue du Freemansundet.
En rentrant nous partons au moteur pour Diskobukta, 15 milles plus au Sud. Sur cette côte, les fonds sont très peu profonds et en mouillant par 6 mètres de fond, nous sommes parfois plus de 1 mille de la côte. Les mouillages sont pour cette raison exposés à la houle.
Le 25 juillet, un beau ciel bleu nous accueille dès le réveil et nous partons pour une grande ballade le long de la baie. Après 3 heures à s'enfoncer dans le sable mouillé nous arrivons sur un magnifique canyon où nichent des milliers de kittiwakes. En fin d'après-midi, un timide vent de Sud nous incite à  tirer quelques bords en direction de Russebukta. Malheureusement, au bout de 10 milles le vent tombe nous obligeant à finir au moteur. Nous en profitons pour faire sauter les crêpes pour le dessert, parfois le petit temps a des bons cotés!
Nous rentrons d'une excursion sur l'île où les paysages sont de plus en plus verdoyants avec l'été qui avance.
Demain nous attendent 36 heures de mer au près pour espérer rejoindre le Hornsund sur la côté Ouest du Spitzberg.

vendredi 19 juillet 2013

Hinlopenstretet.

Position : Pescheloeya 79°00 N - 20°53 E
Tenant compte des conseils de Tommy et Ulrika nous mettons le cap, dimanche en fin de matinée, sur Faksevaagen, baie située dans l'Ouest du Lomfjorden et distante de 30 milles. Un vent de Nord d'une vingtaine de nœuds est le bienvenu pour descendre l'Hinlopenstretet mais nous apporte un épais brouillard et ce n'est qu'à 5 milles de l'arrivée que nous découvrons le magnifique paysage formé par le front d'un immense glacier se jetant dans la mer à perte de vue. Nous mouillons au fond de la baie où falaises ocres et collines verdoyantes ont remplacé le blanc-bleu de la glace. La houle de Nord arrive bien à tourner la pointe de Faksebu et rend peu confortable la vie bord...
Le lendemain matin le vent et le clapot sont toujours bien présents, nous empêchant de débarquer. Nous en profitons pour un check-up de l'intérieur de Libertaire et pour un peu de ménage. En fin d'après-midi, les conditions climatiques s'arrangent et nous partons pour une ascension des falaises au nord du mouillage. La vue des sommets est magnifique quand les nuages veulent bien passer leur tour... 5 heures plus tard nous rentrons bord et profitons d'une douche bien chaude avec l'eau recueillie dans les torrents d'altitude. Cela nous permet d'économiser l'eau du bord ( 300 litres doivent nous durer 2 mois... )
Mardi nous repartons vers le Sud, profitant encore de la brise du nord bien établie. La route nous fait passer près des falaises d'Alkefjellet où des centaines de milliers de guillemots nichent. Cette demi-heure de navigation au milieu des oiseaux nous enchante. Après 6 heures de voile, nous mouillons à  l'ancienne ( à la voile ) dans une baie au Sud-est de l'île Van Otteroya suite à un problème d'alimentation en gasoil. Une petite heure de bricolage nocturne nous permet de résoudre le problème et d'entendre nouveau le bruit rassurant de Nanni...
Le 17 juillet, par un temps splendide, nous partons arpenter cette île peu escarpée de long en large, en profitant d'une vue imprenable sur la côte Est du Spitzberg. Après une quinzaine de kilomètres dans les rochers nous sommes fourbus et heureux de regagner le bord pour un bon repas.
Le lendemain le soleil est toujours bien présent mais c'est pétole et nous partons au moteur pour le mouillage de Binnevika sur l'île de Wilhelmoeya. Nous déjeunons "en terrasse" puis descendons à terre pour une randonnée sportive : la montée dans les pierriers est plutôt raide et quelques heures nous sont nécessaires pour arriver sur le plateau au sommet. Nous découvrons un panorama grandiose que nous partageons avec une femelle "ptarmigan" peu farouche qui semble découvrir l'espèce humaine... Ce mouillage est un vrai coup de cœur devant la variété des paysages qui s'offrent à nous.
Ce matin, nous petit-déjeunons au soleil et profitons du courant favorable pour franchir le Bjornsundet dans le brouillard. Nous sommes ancrés ce soir sur la petite île de Pescheloeya peuplée de nombreuses colonies d'oiseaux ( sternes, kittiwake, eider, skuas... ) et attendons demain un vent d'Est prévu pour poursuivre vers le Freemansundet.

dimanche 14 juillet 2013

80°Nord!

Position : Kinnvika 80°03 N - 18°13 E
Lundi matin nous descendons à terre et profitons d'un terrain peu escarpé pour une randonnée au milieu des rennes. Nous visitons une ancienne cabane de trappeur "Villa Oxford" qui sert maintenant de "refuge cabine" et nous nous amusons à lire le "livre d'or" du lieu. Le dernier voilier français a être inscrit est le "Nouanni" de Granville en 1985!
L'après-midi nous remontons le Liefdefjorden au louvoyage au milieu des growlers pour ancrer à Hornbaekpollen, petit lagon protégeant Libertaire des glaçons et du vent. En effet, le Monacobreen se jette au bout du fjord et vêle constamment, remplissant les eaux de glace.
Le 9 juillet nous randonnons dans la grisaille jusqu'à "Texas Bar", autre cabine. Puis nous remontons le glacier "Erikbreen" sur la moraine et découvrons au sommet un panorama à couper le souffle avec 3 glaciers et un coin de ciel bleu!
Après une bonne blanquette de veau aux champignons ( merci Minouchette! ) nous hissons les voiles cap sur Mushamna. Le vent est bien au rendez-vous et nous mouillons juste avant la neige! Alors que nous préparons le repas d'anniversaire de Damien, nous avons la visite d'un couple de norvégien résidant depuis 4 ans à Longyearbyen avec qui nous partageons le mouillage. Ils ont passé l'après-midi à pêcher et sont venus offrir une part du butin : 4 énormes poissons comme cadeau d'anniversaire!! Nous les invitons alors à trinquer avec nous et à déguster un délicieux crumble pommes-bananes-chocolat, la spécialité du bord!
Le lendemain le temps est toujours à la neige. Une éclaircie nous permet quand même d'aller randonner jusqu'à la "Mushamna hunting station" avant de partager un poisson avec nos amis! Tommy est un ancien chasseur de phoques reconverti dans le kayak et Ulrika maquilleuse pour la télévision suédoise reconvertie dans le Spa de Longyearbyen. Nous apprenons un certain nombre de potins sur le Svalbard et les conseils sur les mouillage de la côte Est sont les bienvenus. Nous recevons également une carte des glaces actualisée ( merci Peter ) et le recul de la banquise est impressionnant par rapport à la carte du 27 juin! C'est plus que favorable pour nous mais alarmant quant à la fonte de la banquise et la survie des ours polaires.
Le 11 juillet nous mettons le cap sur Heclahamna dans le Sorgfjorden. Pour cela nous devons contourner la pointe Nord du Spitzberg et passer les 80°N, à la voile. Un timide vent de NE nous permet de parcourir ces 45 milles en 11 heures. Nous découvrons le mouillage sous le soleil et repérons vite un sommet à gravir le lendemain.
L'ascension est plus compliquée que prévu car le pierrier est assez instable et il faut faire 3 pas pour monter de 2 mais la vue de la haut en vaut vraiment la peine! Sur 360° des sommets enneigés, la mer turquoise et le ciel bleu limpide!
Les jambes en compote et après un nouveau repas de poisson nous repartons à la voile mouiller à Kinnvika par 80°03 N. C'est une ancienne station scientifique helvético-suédoise construite en 1957 et abandonnée depuis 1966. Elle sert de base temporaire parfois encore à des expéditions diverses.
Samedi nous explorons la base et visitons les différents bâtiments : l'atelier, le dortoir, la maison principale et ... un sauna! Il devait faire bon être scientifique ici...
Nous commençons maintenant la descente vers le Sud...

dimanche 7 juillet 2013

Cap à l'Est

Position : Worsleyhamna - 79°41 N / 13°34 E
Après avoir passé quelques heures au milieu des reliques à Virgohamna, une randonnée sur les hauteurs, nous rentrons sur Libertaire en annexe. Pour cela nous longeons en ramant l'îlot d'AEoeya et avons la surprise de découvrir Maman ours et son petit en train de jouer dans la neige! Nous restons une demi-heure à les regarder avec joie. Ils n'apparaissent pas du tout inquiets de notre présence à 100 petits mètres...
Puis nous levons l'ancre en direction de Sallyhamna. La route nous fait passer au pied du glacier Svitjodbreen et Libertaire slalome au milieu des growlers de différentes tailles. La glace est ici moins inquiétante que l'inexactitude des cartes dans ces régions peu fréquentées. Nous naviguons avec l'œil rivé sur le sondeur, d'autant plus que lorsque les fonds sont faibles..
Arrivés à Sallyhamna nous mouillons en face de la cabane de trappeur, devenue un "refuge" géré par le Sysselman ( le gouverneur ). Après un bon repas, un dernier coup d'œil au dehors et là, surprise, un ours en train de dormir dans un lit de mousse sur la rive à quelques centaines de mètres de nous! Il est tranquille et on sent que c'est vraiment le roi ici!
Le lendemain matin nous partons pour une grande randonnée sur la côte. L'ours n'est plus là mais à nous voir scruter le paysage aux jumelles à la moindre tâche blanche, sursauter au moindre bruit, on sent bien qu'ici on est chez lui!
Vendredi nous partons pour Hamiltonbukta à 12 petits milles, parcourus encore au moteur faute de vent. C'est une sorte de lagon entre plusieurs îles au pied d'un glacier. L'entrée n'est pas aisée et nous avons dû chercher les fonds suffisants pour embouquer la passe Sud, conseillée par le guide. Alors que la sortie par la passe Est se fait par fonds de 12 mètres.
Nous sommes entourés par 3 glaciers dont 2 se jettent dans la mer et nous font profiter de leurs growlers! Le panorama est sublime, d'autant que samedi après-midi le soleil se met à briller. Nous partons alors randonner le long de la côte avec une ascension sympathique d'une goulotte enneigée.
Lors du dîner nous avons la surprise de voir un voilier français, Marie, qui mouille à côté de nous. Décidément, les français sont bien représentés au Spitzberg cette année.
Ce matin nous avons appareillé en voyant un petit vent d'Est qui semblait prometteur bien que les fichiers indiquaient pétole. Ils avaient raison et après 10 milles à la voile il nous fallut nous aider de Nanni pour gagner Worlseyhamna. Entre 2 averses nous avons croisé un voilier belge. Une petite conversation VHF bien sympathique nous apprend qu'ils ont tenté le passage de l'Hinloppenstrettet sans y parvenir à cause d'une avarie mais néanmoins les conditions de glaces semblaient favorables.
En arrivant dans le Woodfjorden nous avons eu la joie de croiser 2 baleines! Ces latitudes sont vraiment magiques.

mercredi 3 juillet 2013

Ours!

Position : Virgohamna 79°43N - 10°57E
La traversée jusqu'à Trinityhamna, Magdalenafjorden a été plutôt agitée. Le vent fichier était donné 20 nœuds mais avec la convergence liée la côte gauche avec un relief important, 2 ris dans la GV et la trinquette étaient bien assez! La première nuit a été plutôt agitée avec des vents catabatiques forts et de nombreux growlers, échappés des glaciers se jetant dans le fjord.
Lundi 1, le temps était à  la pluie, sans interruption du lever au coucher de l'équipage! Journée lecture bord, auprès du poêle.
Mardi après une randonnée le long du fjord, sous un soleil timide nous avons rejoint le mouillage de Danskeneset, au moteur faute de vent.
Nous étions d'abord décidés pour Bjornhamna, mais Perrine, rivée ses jumelles depuis le départ a vite remarqué l'ours, qui finissait son repas auprès d'une carcasse d'un grand animal! On s'est approché doucement au moteur, sans que celui-ci ne semble perturbé. la fin de son festin il s'est offert un petit bain de mer et est entré dans l'eau moins de 200 mètres de l'étrave de Libertaire! L'émotion était bien l, depuis 3 semaines nous pensons à l'ours chaque fois que nous préparons le fusil pour débarquer terre... Cette première rencontre, bien en sécurité bord, était idéale. Finalement nous avons rejoint le mouillage d'en face pour ne pas déranger les nombreux animaux qui se nourrissaient de la charogne.
Ce matin nous avons profité du soleil pour une belle ascension sur l'île avec la surprise de découvrir du haut, la banquise au loin vers le nord-ouest et sans croiser le roi de l'arctique...
Nous venons tout juste d'arriver Virgohamna, lieu où l'expédition Andrée est partie en 1897 pour atteindre le pôle Nord en dirigeable. L'expédition a été un échec, le dirigeable s'est écrasé sur la banquise. Les corps ont été retrouvés en 1930 sur l'île Blanche par le phoquier norvégien "Bratvaag".
Il y a donc sur ce lieu des reliques de cette expédition ( hangar dirigeable, usine de production de gaz... ) ainsi que des tombes de baleiniers hollandais datant du 17ème siècle que nous irons voir demain.